lundi 27 août 2007

Petite fête à l'aérodrome

Hier j'étais me promener comme souvent sur les hauteurs de la ville, dans les champs, à proximité du terrain d'aviation. J'ai eu un choc assez profond, plus profond, je veux dire, que le simple étonnement, en voyant qu'il y avait un monde fou à l'aérodrome – c'était manifestement la journée portes ouvertes, ou quelque chose de ce genre. Des familles entières déambulaient sur les pistes de décollage, dans les hangars et les divers baraquements – incluant, évidemment, le bistrot de l'aérodrome, absolument bondé. Sous le beau soleil de l'après-midi, c'était une scène presque onirique, tant elle était inattendue ; je n'ai jamais vu l'aérodrome que désert, seul le grondement continu des moteurs dans le ciel, qui a accompagné toute mon enfance, laissant deviner qu'il est encore en activité. Je suis entré moi aussi dans le bistrot, il y avait des gens en train de discuter, boire, rire, jusque dans les cuisines et jusque même dans les toilettes – et je suis tombé nez-à-nez, coup sur coup, avec mon père, que je n'avais pas vu depuis un moment, et avec Pierre et sa mère, déjà un peu pompette. J'ai accepté une coupe de crémant, proposée par l'une des serveuses qui circulait, péniblement, avec un plateau. L'impression de rêver ne se dissipait pas, elle était au contraire de plus en plus forte.

En écrivant tout cela je repense à la réflexion que je m'étais faite un jour en randonnant dans la forêt dans les Vosges du Nord : et si, au bout de ce chemin, de cette rude montée, sur laquelle je me trouve seul, dans la pénombre de la forêt, entouré de sapins et d'immenses roches de grès, je tombais sur une auberge, un endroit lumineux, joyeux, accueillant, bruyant, plutôt que sur d'autres kilomètres de forêt, obscurs, silencieux, indifférents, inhumains ? L'irruption de la vie, de la lumière, de la fête, dans un décor habituellement désert et « mort », provoque quelque chose qui dépasse, comme je le disais, le simple étonnement. C'est comme si le monde – qui va naturellement vers la mort, le silence, le noir, le vide – inversait soudain sa tendance et que la vie ressurgissait dans toute sa force. Et quand en plus on y retrouve des parents, des amis, au milieu des rires et des libations, c'est comme un aperçu du Ciel.