Visite, ce week-end, en Alsace, avec Laurence, de plusieurs châteaux, intacts ou en ruine, mais toujours en hauteur, cela va de soi, et cernés par une mer de sapins. Soleil d'hiver. Beaucoup de touristes. Il y a manifestement une vraie fascination populaire pour ces lieux. Un attachement sentimental, culturel. Et même plus fort que ça : atavique. J'avais l'impression en déambulant dans ces lieux que la foule venait obscurément y chercher un milieu naturel perdu, une organisation sociale dont elle traîne la nostalgie sans pouvoir la nommer ; et que peut-être aussi ces vieilles pierres auraient un nouveau rôle à jouer dans le nouveau moyen âge qui s'annonce.
jeudi 25 août 2005
jeudi 14 juillet 2005
Loin de la machine
J'ai entamé depuis quelques semaines une relation avec une femme qui habite une toute petite commune (4000 habitants) à une heure au moins de toute grande ville, au milieu d'une région agricole misérable, sinistrée sans même avoir été industrialisée un jour. Je traverse pour aller la rejoindre, tous les week-end, après avoir quitté mon bassin anciennement minier et sidérurgique aujourd'hui peuplé de HLM, des dizaines de kilomètres de champs, de vergers, de villages aux maisons basses, grises ou en pierre jaune ternie par le temps, dont parfois les fenêtres sont murées. Mais cette misère n'est rien ; elle est le prix à payer pour être loin de la Machine. Loin de l'époque. Elle a même quelque chose de reposant, de réconfortant : on est encore dans le vieux monde, et même en ruine il reste le plus désirable. À chaque kilomètre parcouru j'ai un peu plus le sentiment de m'enfoncer non seulement dans l'espace, mais dans le temps, de rentrer chez moi, dans cette région que pourtant je découvre, et de rejoindre l'histoire de mon pays et mes ancêtres, de retrouver quelque chose qui a été trahi, injustement et trop rapidement oublié, renié.
lundi 2 mai 2005
Enfers intérieurs
Promenade matinale. Je suis monté par la forêt jusque Hellert, ces coins-là... je mélange un peu tous ces villages. Mélange d'ennui profond, de solitude pénible, et d'excitation face à certains paysages – je dis excitation et non pas émerveillement, par exemple, car mon état mental dans ce genre de situation ressemble à un genre d'exaltation malsaine (liée au fait de mitrailler, en partie) plus qu'à une saine appréciation d'un paysage.
La balade solitaire n'a pour moi rien de rafraîchissant, de revigorant mentalement et moralement. Bien au contraire, l'errance et la solitude me mènent vers des états mentaux bizarres, malsains, excessifs.
Il est dangereux de se promener, d'aller se balader dehors. On croit s'aérer, voir le monde, alors qu'on ne se balade jamais que dans ses mondes intérieurs, dans les différents niveaux de ses enfers intérieurs.
lundi 4 avril 2005
Il faut que je déménage
Il faut que je quitte la ville, qui est en train de me tuer. Physiquement, moralement, spirituellement.
lundi 28 mars 2005
Un monde plus simple, plus lent
J'ai découvert cet après-midi ce village qui n'est qu'à cinq minutes de la ville où je vis depuis quinze ans, mais que j'ai toujours négligé de visiter, parce que je n'avais, tout simplement, rien à y faire, et parce que je n'avais, pendant longtemps, jamais même croisé son nom.
Mon but était de rouler au hasard dans une direction que je n'avais jamais prise et de m'arrêter dans le premier village inconnu qui m'intriguerait.
Je me suis garé tout à l'entrée de la commune, avant même les premières maisons, sur une espèce de croisement entre un parking et une aire de jeu, dotée d'une petite structure en bois, assez neuve, qui abritait des bancs et une table ; le genre de refuge que l'on croise en pleine nature et qui sert généralement à s'abriter de la pluie ou à se restaurer, au cours d'une randonnée.
Le premier bâtiment du village, juste quelques mètres plus loin, était fascinant, j'ai eu un vrai choc en le découvrant. Un bâtiment agricole, manifestement, dont la fonction m'échappe encore, mais absolument immense. Il était délabré, sans toit, ouvert aux quatre vents. Au lieu de fenêtres, de fines et longues meurtrières. Quelque chose de menaçant – mais d'indéfinissable – s'en dégageait.
Quelques dizaines de mètres plus loin, après les premières maisons (d'anciens corps de fermes reconvertis, essentiellement) on tournait à gauche pour arriver face à l'église. Quelques belles et grandes maisons, que je devinais accueillantes, douillettes, dans leur jus. Tout cela menait, à ma grande surprise, aux rives d'un canal, que longeait un chemin de promenade ; je me suis promis de l'emprunter à l'occasion, pour voir où il menait.
Je suis arrivé ensuite aux abords d'un vieux cimetière, hors du village, ceint d'un mur en pierre. J'ai toujours aimé les vieux cimetières, les vieilles tombes. Spécialement dans les villages. Ils n'évoquent rien de macabre, rien de triste, ils ont au contraire quelque chose de presque doux, de douillet même, dans ce genre de décor les cimetières sont fidèles à leur étymologie de « dortoirs ». Ils évoquent le repos, la paix, la proximité des proches, la douceur de la terre natale. Tout l'inverse d'un colombarium.
Après il n'y avait plus que les champs, mais on voyait au loin le village voisin, à quelques centaines de mètres, dont on devinait les toits et le clocher de l'église. Je n'envisageais pas spécialement de m'y rendre à pieds mais je rêvassais quelques instants d'un monde plus simple, plus lent, plus silencieux, où les gens se rendraient d'un village à l'autre à travers champs, pour commercer, se rendre visite...
lundi 3 janvier 2005
Le canal, suite et fin
Promenade, toujours au bord du canal, mais dans le sens opposé, cette fois – je pars de la marina et longe l'eau jusqu'à retourner en ville, pour découvrir en chemin le site abandonné dit « Les Forges », gigantesque et dégageant le même sentiment post-apocalyptique que les lieux de mes précédentes balades le long du canal.
Je décide de ne plus y retourner, et encore moins seul.